dimanche 21 janvier 2007

Période Gallo-Romaine à Cognac (1ère partie) : -52 à +192

carte peutinger
Suite des billets historiques sur Cognac.

Après l'invasion Romaine de la Gaule (-52), celle-ci est divisée sous Auguste (-27) en 4 provinces (Narbonnaise, Lyonnaise, Aquitaine et Belgique) administrées chacune par un gouverneur et organisées comme le reste de l'empire. Les cités administratives deviennent le foyer de la romanisation progressive avec leurs thermes, monuments, théâtres, écoles, temples... Chaque cité a une vie administrative propre qui intègre petit à petit l'élite locale avec au centre le sénat local (curia) ou siègent les personnages locaux importants parmi lesquels on désigne les magistrats chargés des fonctions publiques (décurions).
Ces magistrats étaient notamment responsables de l'entretien des routes, des ponts, des chevaux nécessaires aux services de postes impériales et à la levée des impôts et redevances.
Les provinces restent largement agricole même si un artisanat Celte de qualité existe toujours. Toutes les cités ont d'étroits rapports avec la campagne (source de revenus fonciers importants) qui resteront de tradition celte plus longtemps. Les notables ont leurs domaines et villas à la campagne. Ces propriétés sont cultivées par des esclaves importés et surtout des gaulois libres dont le sort n'est guère enviable.
Une aristocratie locale se mettra doucement en place au fil de ceux qui s'enrichiront au service de l'administration Romaine.

Ier siècle : Voies romaines, foyer de romanisation
Vers -20 Aggrippa est chargé par Auguste de reconnaître et de tracer des grandes voies de communications dans la Gaule conquise à partir de Lyon.
Les voies romaines sont un moyen d'organiser et de romaniser rapidement les territoires conquis. Elles permettent aux armées de se déplacer rapidement, au commerce de se développer et sont des éléments structurants importants par le découpage agricole qui s'effectuent autour. La parcellisation romaines des terres agricoles est un élément dont on trouve encore de nos jours les traces.
Le voies romaines en Gaule suivront souvent des anciennes pistes celtes et parfois plus anciennes (Néolithique). Mais à la différence de ces pistes, les voies sont le plus souvent construites : C'est-à-dire comporte une chaussée plus ou moins élaborées suivant les zones, des fossés, des ponts ou des gués aménagés et comportent sur leurs parcours des bornes et surtout des relais (stations ou mansiones).
Les relais sont installés généralement tout les 30 à 60 kilomètres permettant aux coursiers et fonctionnaires de l'empire de trouver nourritures et chevaux. Ces relais seront souvent le foyer de futur développement urbains ou agricoles.
Notre région, stratégique pour les romains en raison de son ouverture facile sur l'océan (ouvrant le commerce local du sel et de l'étain de Cornouailles) et de sa grande richesse en blé (permettant de nourrir les armées) voit une grande voie s'ouvrir "la route d'aquitaine" qui reliera Saintes (Mediolanum Santonum) à Limoges (Augustoritum) et à Lyon (Lugdunum). Cette voie empruntera une grande partie des pistes Celtes existante. La romanisation de cet axe de communication prendra du temps, la construction mené par l'armée et des réquisitions est financée par l'empire et des impôts spéciaux.

Au Ier siècle Saintes (au bout de la voie Aquitaine) devient capitale de la province d'Aquitaine. Ce statut administratif de premier plan va permettre à la ville de se développer autour de constructions romaines (arc Germanicus en +18, amphithéâtre de 15000 place en +40, aqueduc, thermes...). A la même époque la ville d'Angoulème (Iculisma) devient autonome et reçoit son status de Civitas (unité administrative) qui la sépare administrativement de Saintes.
En parallèle une noblesse locale va se développer dans ces villes par l'enrichissement auprès des romains.

Au Ier siècle la vigne se développe dans toute la Gaule et particulièrement en Narbonnaise et Aquitaine. L'empereur Domitien (81 à 96) limite son développement, susceptible de concurrencer le vin Italien, dans la Gaule. Bordeaux est déjà un centre de production important et apprécié, par contre la vigne ne s'est pas réellement développé en Charente ou elle reste à usage très local.

Un peu plus tard une deuxième grande voie romaine sera ouverte reliant Périgueux à Saintes. Cette voie aura une durée d'utilisation très longue et deviendra l'actuel "Chemin Boisné" (probablement Chemin Borné) dont il existe encore des traces de nos jours. D'autres voies de moindre importance verront le jour dans notre région comme par exemple une liaison Angoulème-Jarnac-Merpins et une autre reliant les 2 grandes voies romaines (Aquitaine et chemin boisné) et aujourd'hui connu comme le "Chemin de la Pallue".
Le long de ces voies va se développer des foyers urbains comme à Merpins (Condate avec son port et entrepôts de sel), Chatenet (centre agricole), Jarnac (Agernacus, port saulnier et artisanat potier), Sainte-Sévère (camp militaire romain), Chassenon (Cassinomagus), etc...

Des voies romaines principales couvrant l'empire il nous reste des traces, notamment l'itinéraire d'Antonin (fin IIIème siècle) et une carte ancienne connue sous le nom de "Table de Peutinger" qui est une copie tardive d'un original datant probablement du IIème siècle et mise à jour au IVème. Cette table sur un rouleau long de 6,8 mètres donne une cartographie sommaire de l'ensemble de l'empire Romain (de l'Espagne à l'Asie mineure). Cette table n'est pas une véritable carte géographique comme on l'imagine de nos jours ; il s'agit plutôt d'un schéma permettant de se repérer. Les distances et espace géographique n'y sont pas respectés.
Notre région est couverte (voir photo en haut du billet) comportant notamment les 4 voies romaines importantes et indications sur des relais ou bourgades traversés :

Saintes-Limoges (route d'Aggripa)
  • Mediolanum Santonum (Saintes)
  • Sermanicomagus (Bouchauds)
  • Cassinomagus (Chassenon)
  • Brigiosum (Brioux)
  • Rauranum (Rom)
  • Augustoritum (Limoges)
Saintes-Périgueux (chemin Boisné)
  • Mediolanum Santonum (Saintes)
  • Condate, longtemps attribué à Cognac il s'agirait plutôt de l'oppidum celte de Merpins (voir billet précédent)
  • Sarrum, probablement Charmant ou Voulgezac
  • Vesunna (Périgueux)
Saintes-Bordeaux
  • Mediolanum Santonum (Saintes)
  • Blavia (Blaye)
  • Tannum (Talmont)
  • Burdigala (Bordeaux)
Saintes-Poitiers
  • Aunedonnacum (Aulnay de Saintonges)
  • Lemonum (Poitiers)
Evolutions de l'empire (IIème siècle)

Au début du IIème siècle, l'empereur Hadrien (117 à 138) reforme l'armée : désormais les recrues sont envoyés dans les légions de leur région natales. Cela renforce l'armée romaine, mais contribura au début du lent déclin de l'empire par la montée progressive du régionalisme.

Au IIème siècle Saintes perd son rôle de capitale d'Aquitaine au profit de Poitiers

En 160, Marc Aurèle dégarni les frontières du nord de la gaule pour mener une guerre difficile en orient face aux Parthes. Ceci va correspondre a des rassemblements épars de barbares au delà du Danube qui traverseront la frontière en 166 pour mener les premiers raids dans l'empire.
En 170 une nouvelle vague de Marcomans et Quades traverse le Danube et va pour la première fois pénétrer en Italie jusqu'à Venise. Ils seront repoussés mais l'empire ne sera plus jamais le même : les barbares ont pénétrés en Italie.
Ceux que les Romains appellent "barbares" sont toutes les peuplades qui ne font pas parties de leur empire. Ces peuples sont décris par les Romains comme des "sauvages" mais sont en fait bien souvent simplement différents et ont parfois des cultures très avancées.
En 192, l'assassinat de Commode va faire basculer l'empire Romain dans une succession de graves crises politiques qui seront la véritable amorce du début du déclin de l'empire.

site haute sarrazine
Traces Gallo-Romaine à Cognac

C'est aussi au premier siècle qu'un chef celte Conos s'installerait au bord de la Charente avec sa famille et ses esclaves. Au départ quelques huttes en rondins, torchis et chaume qui deviendront progressivement une domaine agricole : Coniacum (domaine de Conos) et probablement l'ancêtre de la ville de Cognac. Coniacum sera connu plus tard comme le premier nom de la bourgade locale (ancêtre de Cognac), mais aucune trace archéologique de l'époque ne permettent de situer le Domaine du Gallo-Romain Conos.

A la même période sont datés, à Cognac, les traces d'un ensemble agricole important qui a été en activité jusqu'au milieu du IIIème siècle.
Le site a été découvert en 1987 lors de sondages archéologiques sur le lieu-dit "La Haute Sarrazine" ou un projet de Zone d'Activité était en cours.
Des fouilles de sauvetage (2 mois) ont été menés la même année avant que ne débute les travaux de terrassement pour la ZA.
Cette ferme comportent des bâtiments et de nombreux bassins étanches dont les archéologues n'ont put déterminés l'usage exact. L'exploitation vinicoles a été toutefois éliminé et les pistes les plus prometteuses concernent plutôt l'élevage de poisson d'eau douce, la production de sauces fortes ou l'exploitation du chanvre pour la réalisation de cordages.
Des traces d'une habitation tardives (fin IIIème/début IVème) y ont aussi été constatés mais sans activité agricole importante, probablement un "squat" des ruines de la ferme.
Aujourd'hui il ne reste qu'une petite parcelle abandonnée en plein milieu de la zone artisanale (entre la déchetterie et la miroiterie) : voir photos ci-contre.

On trouve dans la région de nombreuses traces Gallo-Romaine, notamment de nombreuses villae ainsi que des bourgades et camps militaires :

Villae (centre d'habitations lié à un domaine agricole)
  • L'Anglade (Gimeux)
  • Les Coulées et Frugères (Boutiers-St Trojan)
  • Bourg-Charente
  • La Haute Sarrazine (Cognac)
  • Les Tubias (Salles d'Angles)
  • La Chabbane (Angeac-Champagne)
  • La Renorville (St-Fort sur le Né)
  • Les Courades (St Preuil)
  • Bonneuil (Flaville)
Bourgades
  • Les Grandes Maisons, Jarnac (Agernacus) : traces d'artisanat potier et port saulnier
  • Bouchauds (Sermanicomagus) : bourgade et théâtre monumental
  • Chassenon (Cassinomagus) : bourgade et thermes monumentale
  • Sainte-Sévère : camp militaire permanent au confluent de la Houlette et de la Soloire, près de la voie romaine.
  • Merpins (Condate) : port saulnier, bourgade et camp militaire permanent
  • Angle : Camp militaire
  • La Châtre (Genté) : camp militaire

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Les amateurs d'histoire locale, qui sont nombreux, trouveront un très grand nombre de sources bibliographiques, documents d'archives sur Cognac et sa région sur le site http://www.histoirepassion.eu
la base de données de ce site contient actuellement environ 300.000 entrées (patronymes et noms de lieux) de l'histoire de cette région avec accès par lien aux archives numérisées en format image où ces mots se trouvent.
Un must pour tous les chercheurs.
Cordialement.

Pierre

Pierre-Alain Dorange a dit…

Une très bonne source d'informations historiques en effet.
Merci pour ce site que je ne connaissait pas.