dimanche 19 octobre 2008

Bilan de la journée Service Public du 11 octobre à Cognac

Samedi dernier s'est déroulé à l'Espace 3000, la journée Services Publics organisée par la ville de Cognac.
Etaient présents 100 à 150 personnes, dont de nombreux élus. On notera que malgré le peu de communication auprès du grand public les citoyens intéressés était nombreux dans l'assistance.

Définition (extraits de l'encyclopédie communautaire Wikipédia)
Un service public est une activité considérée comme devant être disponible pour tous. Cette notion s'appuie sur celle de l'intérêt général, mais trop soumise a appréciation subjective, elle n'a pas de définition universellement reçue.
[...]
Concernant les fonctions de service public remplies par le secteur public, on distingue de ce fait :

  • celles qui relèvent des fonctions régaliennes, liées à la souveraineté de l'état : armées, polices, impôts...
  • celles qui relèvent de secteur administré ou du secteur marchand mais que le secteur public a pris en main pour des raisons d'intérêt général ou stratégique dont la nature est considérée comme non compatible avec le fonctionnement normal du marché,par exemple certaines infrastructures uniques ou essentielles : routes, voies ferrées, ports, troncs communs de réseaux de communication...
[...] Les 3 grands principes auxquels sont soumises les missions de services publics sont :
  • mutabilité, capacité d'adaptation aux conditions et besoins,
  • égalité, dans l'accès au service et dans les tarifs,
  • continuité, assurer l'accès permanent à tous
Retrouvez une définition ainsi que des exemples locaux, par le collectif Le Retour de l'Autruche :


Introduction : pouvoir des élus, synergie et volonté politique
En introduction, Michel Gourinchas (maire de Cognac, PS) et Jérôme Sourisseau (maire de Bourg-Charente et président du pays, Modem) ont évoqué les Services Publics et les moyens des élus pour défendre et développer ceux-ci. L'entretien était mené par 2 journalistes sous la forme d'une interview.
Il faut retenir de nos 2 élus, que si les services publics ont été créés pour répondre à la devise de la république (Liberté, Égalité, Fraternité), ils sont depuis quelques années, malmenés et que l'état s'en désengage de plus en plus pour laisser soit le secteur privé, soit les collectivités locales (décentralisation) les prendre en charge.
Il a été souligné, que la décentralisation est là pour répondre aux changements de notre société, l'accompagnement de celle-ci n'est pas toujours suivi, ni organisé, provoquant des dégâts dans la qualité et l'étendue des services publics disponibles.
Paradoxalement, le phénomène de décentralisation est mené parallèlement à des centralisations amenant un service public moindre pour les zones rurales ou les petites villes. Ce qui brise l'égalité des usagers devant les services publics. Jérôme Sourisseau a regretté, par exemple, que les mutations, parfois nécessaires, ne sont pas accompagnés par des schémas d'aménagement du territoire, que la centralisation des services publics se fait trop souvent sur les gros centres (préfectures) au lieu d'essaimer sur un territoire.
Michel Gourinchas, c'est montré plus politique en attaquant l'attitude actuelle du gouvernement et les effets dévastateurs sur les services publics locaux : fermeture du tribunal de commerce et des prud'hommes, menaces répétées sur les petits bureaux de postes, les douanes, météo-france, etc... Il est aussi revenu sur la privatisation du service de chirurgie de l'hôpital par les précédents élus de Cognac qui contribue aux difficultés que rencontre actuellement notre hôpital.

Face à la question des moyens des élus pour lutter contre cette dilution des services publics, nos élus ont bien peiné a trouver des réponses claires. Il a été soulevé que si c'est le devoir de l'élu de s'opposer aux fermetures ou diminutions de services publics locaux, ceux-ci disposent de peu de moyens et que pour ce faire toutes les collectivités locales doivent se serrer les coudes et être soutenues ou soutenir les associations, syndicats et citoyens.
Par exemple, Michel Gourinchas compte bien profiter du prochain congrès des maires (novembre) pour se faire entendre par Roselyne Bachelot (ministre de la Santé) sur l'éviction, prévue par la loi, des élus locaux des Conseils d'Administration des hôpitaux. Cette présence aux CA est le seul moyen de pression des élus locaux.

Trop court ateliers
Ont suivis, 3 ateliers-débats en parallèle : Santé, École et Poste.
L'exercice de tel ateliers est très délicat avec un peu moins d'une heure, difficile de faire le tour du sujet, de tirer des conclusions. L'atelier école auquel j'ai participé m'a permis de prendre un peu plus conscience des problèmes rencontrés. On été évoqués, pèle-même, les dangers et avantages de la décentralisation de la gestion des structures au niveau des collectivités locales, les réformes en cours, le fort danger de privatisation avec l'arrivée massive d'entreprises sur le secteur du soutien scolaire qui brise l'égalité des citoyens face à l'éducation. La concurrence très forte qui existe déjà entre l'éducation nationale et le secteur privé autour de l'enseignement professionnel notamment. Le transfert total des maternelles aux communes, ainsi que la fameuse loi de service minimum sont bien sur venus s'inviter aux discussions. Sur ce dernier sujet il est noté que la ville, comme d'autres en France a décidé de ne pas assurer ce service minimum en cas de grève des enseignants (conseil municipal du 16/10/08 dont j'espère mettre en ligne le compte-rendu la semaine prochaine).

J'ai eu d'assez mauvais échos sur l'atelier Santé, dont il semble que l'animateur ait un peu trop imposé la présentation des problèmes des médecins et infirmières libérales et les solutions qu'apporte sa structure en Saintonge. Si cette problématique est bien réelle, cela n'est pas en rapport direct avec le service public de santé. Il semble bien que l'animateur confonde service public et service au public ...
L'impression générale de ces ateliers est une terrible frustration. Des sujets passionnants et très vastes, impossible d'en faire le tour en si peu de temps, impossible d'en sortir une vraie synthèse. Cela mériterait clairement soit des ateliers bien plus longs, soit des sujets très ciblés et une préparation plus en amont.

La retransmission des ateliers sous forme de synthèse, n'a fait que retransmettre le sentiment d'inachevé et le manque de perspectives et de solutions après une si courte séance.

Gestion de l'eau : un service public aux mains de nos élus
Ensuite tous les participants ont assisté à une table ronde sur la gestion de l'eau et la responsabilité des élus. Table ronde passionnante qui c'est déroulée avec :
  • Philippe Hériou le directeur de la gestion de l'eau de La Rochelle (17),
  • Claude Chauveau représentant de Indecosa (défense des consommateurs),
  • Jacques Brie vice-président de Charente Nature et
  • Serge Morin élu du conseil régional.
Il a été rappelé que les élus locaux ont encore les moyens de défendre certains services public, c'est le cas de la gestion de l'eau et de l'assainissement qui est de leur responsabilité directe, mais aussi de la restauration scolaire par exemple. Ces services publics sont pourtant paradoxalement souvent délégués à des sociétés privées. Nos élus dans leur grande majorité jugent ces services trop complexes et se laissent bercer par les sirènes des grands groupes qui font un remarquable travail de sape pour dévaloriser ces services lorsqu'ils sont gérés en régie (gestion directe).

Philippe Hériou (régie des eaux de La Rochelle) a présenté son service de l'eau, en régie depuis 1884 ! Indiquant que la régie de La Rochelle fonctionne bien, avec un rendement de 85% (Cognac a atteint ce rendement cette année après une longue période vers 70-75%), aucun emprunt ni dette.
Il a fort bien défendu le modèle de gestion directe, précisant que seule la régie permet d'avoir une vision sur le long terme et ainsi de mener des projets sur 50 ans, chose impossible pour une société privée avec un contrat à durée déterminée et des actionnaires à satisfaire. C'est par exemple cette gestion sur le long terme qui permet à La Rochelle d'avoir une politique de prévention de la pollution de la ressource dans un cadre de gestion durable : prévention en amont. Ainsi plutôt que de renforcer sans cesse l'assainissement la ville mène une politique active auprès des agriculteurs pour valoriser l'agriculture bio qui permet de ne pas polluer les nappes phréatiques : les nitrates et pesticides mettent souvent des dizaines d'années pour atteindre la nappe phréatique, soit autant de temps pour endiguer la pollution.
Il a été donné l'exemple de la ville de Munich qui par ce biais a réussi à réduire notablement la pollution de ces eaux en menant un travail sur le long terme (depuis les années 70) avec ces agriculteurs et industriels. Cette réduction de la pollution en amont y coûte 0,01 euros par m3 d'eau, si rien n'avait été fait la coût de traitement aurait coûté 0,23 euros / m3 : un bel exemple de réussite de politique sur le long terme.

Il a aussi été évoqué l'exemple actuel et hautement symbolique de Paris qui prépare activement son retour en régie (remunicipalisation) pour fin 2009. Dans cette mouvance parisienne c'est toute l'île-de-france, via son syndicat des eaux le SEDIF, qui pourrait revenir en régie fin 2010 (expiration du contrat avec Véolia).

Il a été précisé qu'avec les technologies disponibles, il est désormais relativement aisé de gérer en direct l'eau et l'assainissement et que le problème n'est pas tellement technique mais plutôt politique. Qu'il existe aujourd'hui un vrai courant de retour en régie et que l'hégémonie des grands groupes (Véolia, Suez, Saur) est mis à mal petit à petit car tout le monde sait que ces sociétés se sont énormément développées grâce aux bénéfices sur l'eau, bénéfices qui au lieu d'être investis dans l'amélioration du service aux usagers a permis à ces sociétés de s'étendre dans des domaines connexes pour renforcer leur position d'assistant des collectivités locales : transports, ordures, énergies...
A Cognac, on retrouve ainsi Véolia dans toute son étendue :
La question du retour en régie à Cognac a été évoquée, sachant que le contrat a été reconduit avec Véolia l'an dernier, par l'équipe précédente, il faut soit attendre 12 ans, soit résilier le contrat.
Il a été indiqué que le retour en régie doit être sérieusement étudié et préparé, mais partout où cela a été fait c'est la régie qui a été retenue et bien souvent au plus grand bénéfice des usagers et de la qualité des services.
Que la résiliation d'un contrat est un sujet difficile et délicat au vu des indemnités demandées par le délégataire. Il existe des cas d'école, comme celui de Neuf-Château, qui a rompu unilatéralement son contrat avec Véolia en 2001, pour créer une régie. Le groupe réclamealors des indemnités de 7,5 millions d'euros. Après une longue bataille juridique, le tribunal administratif fixe en 2007 l'indemnisation à 1,7 millions d'euros. Entre temps, la régie a permis une économie pour les usagers de 5 millions.

Monsieur Simon Clavurier (élu de Cognac et au SIEAAC) a précisé qu'au vu du contrat avec Véolia, une résiliation pourrait mener une indemnité d'environ 7 millions d'euros. Que se ne sera pas simple mais que cela reste possible avec une forte volonté politique. Cela nécessitera au préalable une sérieuse étude technique et juridique.


En savoir plus sur la gestion de l'eau à Cognac :
En conclusion il a été rappelé que l'eau n'est pas une marchandise (on ne paye pas l'eau mais le prix de sa gestion), qu'elle doit être accessible à tous de manière équitable, qu'il s'agit d'un bien commun de l'humanité indispensable à la vie. Que seule une gestion directe par les collectivités est à même de satisfaire réellement ces objectifs de service public sans les contraintes du secteur privé.

Conclusions
Michel Boutant (président du conseil général et tout récent sénateur) et Michel Gourinchas (maire de Cognac) ont clôturé cette journée. Nos élus dans leurs conclusions ont repris certains sujets de l'introduction : décentralisation non organisée, manque de moyens pour lutter contre la disparition des services publics, besoin de soutien des associations, syndicats et citoyens.
Michel Boutant a évoqué quelques exemples en Charente ou le département doit se substituer aux défaillances de l'état sur les transports ferroviaires ou la communication haut-débit.
Avec malice, nos 2 élus ont présentés un tout nouveau service public inventé ces derniers jours par le gouvernement : le soutien aux banques en difficultés.

En guise de dernier mot, une citoyenne a demandé quelles seront les suites de cette journée... Michel Gourinchas a indiqué que les équipes qui ont participé à l'organisation se réuniront pour préparer la suite.

Cette journée a eu le remarquable mérite d'avoir été organisée, mais laisse sur leur faim bon nombre de défenseurs des services publics. Bien sur il y a eu quelques couacs dans l'organisation mais l'essentiel reste à mon sens, la faible durée et préparation des ateliers qui n'ont pas permis d'avoir une vraie réflexion locale sur les sujets.
La table ronde sur l'eau était très intéressante, due au très bon niveau des intervenants.

Je retiendrais que le sujet (les services publics) mérite que de telles journées soient renouvelées, mais aussi peut être que des ateliers planchent en amont sur les sujets afin permettre qu'une vraie réflexion et que des axes se dégagent afin de pouvoir faire une retransmission publique poussée.
La forte présence de citoyens (plus nombreux que les élus) malgré le manque de communication semble indiquer une attente et dénoter une certaine inquiétude devant l'état des services publics locaux.

Voir une liste et un bilan partiel de l'état des services publics à Cognac

Et la suite...
Pour prolonger cette journée Services Publics, l'association Convergence (Convergence Nationale des Comités de Défense des Services Publics) organise son assemblée générale à Cognac les 29 et 30 novembre prochain à l'espace 3000.
2 jours de travail et de débats autour des services publics et des actions mise en œuvre et à poursuivre.
Le samedi après-midi (29/11) sont organisés 2 tables rondes publiques (espace 3000):
  • de 14h à 16h : L’exigence de Service Public aujourd’hui : quelles luttes pour garantir les moyens et les financements de Services de qualité ?
  • de 16h30 à 18h30 : Biens Communs et Services Publics : quels projets d’alternative politique et quelles luttes, en France, en Europe et dans le monde, pour de nouvelles solidarités ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Dans tout ce compte rendu, on constate que les participants sont en pleine confusion sur ce qu’est un service public ou pas, et sur ce qui doit être délégué.
Vous dites que la restauration scolaire ou l’eau sont des services publics que les collectivités doivent gérer en direct parce que la gestion publique c’est beaucoup mieux selon vous. Cependant, quelques instants après vous regrettez l’état du transport ferroviaire qui pourtant est bien géré par une entreprise public ce service public … Tout cela est-il bien cohérent ???

Pierre-Alain Dorange a dit…

Cher anonyme,
Il existe en effet de grandes confusions dans la/les notions de services publics.

Il est ailleurs vrai que je suis un fervent défenseur des services publics et pour moi certains services publics doivent être gérés par les collectivités locales en direct : l'eau en est un, en tant que besoin vital de l'humanité je n'apprécie guère de le voir asservi a des intérêts économique et financier.

Par contre concernant l'état du transport ferroviaire, je ne fait que reprendre les propos de Michel Boutant. Le problème ici est que localement le département (mais aussi la région) tente de pallier certains déficit de la SNCF.
Le fait est que depuis 1997, la SNCF a été scindé en 2 entités : SCNF (transport) et RFF (infrastruture) afin de préparer la branche transport (SNCF) a l'arrivée de la concurrence. Si la SNCF a encore un statut d'entreprise publique (EPIC) cela est de moins en moins vrai et l'ouverture a la concurrence amène l'entreprise a mener une politique de rentabilité qui tend a délaisser les lignes les moins rentable, l'éloignant ainsi de sa mission originelle de service public, notamment l'égalité des usagers et la continuité.
La problématique des transports locaux est ainsi a mon sens directement lié a la perte progressive du statut public de cette entité.